ELLE. Vous ne qualifieriez pas ces avantages de privilèges ? C’est pourtant ainsi que le commun des mortels les ressent.

LUI. C’est possible. Mais d’abord, toute profession a ses avantages, n’est-ce pas : les journalistes eux-mêmes… Et parfois inattendus… Tenez, cela me rappelle une anecdote. Lorsque j’étais ministre de l’Éducation, nous faisions attention, lors de la rentrée universitaire, à ce que les enfants des journalistes influents aient bien une place dans l’université qu’ils souhaitaient. Ce n’était pas une condition suffisante pour que la rentrée se passe bien, naturellement, mais c’était presque une condition nécessaire.

ELLE. Ce n’est pas parce que les journalistes ont des privilèges que ceux des hommes politiques sont admissibles. Ils le sont d’ailleurs d’autant moins qu’ils bénéficient à des représentants de la Nation.

LUI. Oui, c’est vrai. Mais plus profondément, je voudrais faire avec vous une distinction très importante entre avantages et privilèges.

ELLE. Oui ?

LUI. Eh bien, est un avantage lié à une fonction sans être un privilège, ce qui permet d’exercer au mieux cette fonction. Et dans le cas d’un ministre, c’est quand même d’être au service de ses concitoyens…

L’auteur

Sociologue, polytechnicien, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, ex inspecteur général de l’Inséé, ancien président de la Commission du débat national sur l’avenir de l’École, Claude Thélot a écrit de nombreux ouvrages sur l’éducation et, récemment, un essai sur l’individualisme dans notre société « Moi, libre et roi ».

Dans ce nouvel essai, il aborde le thème du pouvoir, sur la forme d’un dialogue entre un gouvernant et une journaliste en vue, fréquentant les mêmes cercles. S’ils se connaissent depuis longtemps, ils savent bien quelles sont les limites du dialogue et de la confidence dans le cadre d’une amitié de circonstances et ils s’observent dans un jeu ambigu et policé, riche de sous-entendus et de confidences.